CAHIERS DE LA CATHOLIQUE

 
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE BRASILIA UCB
Série Sociologie Année 1 n° 1 - Novembre 1996
Département de Fondements des Sciences Sociales


 

QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LE PHÉNOMÈNE DU CHAMANISME

Fernando de La Rocque Couto
Maître en sociologie.

Au premier abord, le chamanisme peut paraître hors de portée, mais il est bien plus proche de nous que nous puissions l'imaginer; nous pourrions affirmer que le chamanisme fait partie de la dimension religieuse de l'homme.

Il existe un dicton populaire selon lequel tout le monde a un peu du médecin et du fou, et j'ajouterais que tout le monde a un peu du médecin-chaman et du fou. Si nous pensions au "pajé", au sorcier ou au magicien, il serait plus facile de saisir la signification du terme chaman.

Dans ce sens, le chaman serait un spécialiste du surnaturel, un technicien du sacré. Il a des caractéristiques spécifiques, il est guérisseur, son agir s'étend aux questions de possession, de voyage et de guérison chamanique.

Eduardo Galvao (1976) attire notre attention sur le fait que la religiosité populaire amazonienne est influencée par diverses traditions culturelles.

"Des croyances en provenance de la tradition européenne ont été transmises par des colons depuis le début de la colonisation ou encore par les nouveaux immigrants; il y en a d'autres qui ont été introduites par les esclaves africains et, enfin beaucoup d'autres sont attribuées à l'ancestral amérindien.

Ces croyances se sont modifiées et fondues au catholicisme devenant la religion du caboclo" (1)

Galvao nous signale que le "caboclo" est issu du métissage Luso-Indien, plus particulièrement présent en Amazonie qu'en d'autres régions du Brésil, et que le chamanisme, dans la religion contemporaine, est l'institution la plus importante par l'apport culturel amérindien(2).

La tradition européenne, africaine et amérindienne en se modifiant devient la religion du "caboclo". Mais d'où vient-il ce terme chaman?

Mircea Eliade (1960) nous montre que ce terme est originaire de l'Asie septentrionale, d'après des gardiens de rennes de Sibérie. Le chamanisme est, par excellence, un phénomène sibérien de l'Asie centrale. Ce vocable dérive du russe des "toungouzes shaman". Cependant nous observons qu'il existe des traces du chamanisme partout dans le monde.

Une première approche toute simple du chamanisme le définit comme étant la technique de l'extase (3). Il est aussi une personne extrêmement excitée, émue ou transcendée(4).

Alfred Metraux (1973), qui a étudié les Indiens sud-américains, affirme :

"Le chaman est une personne qui face au changement de sa conscience quotidienne s'enferme dans le royaume métaphysique transcendantal dans le but de parlementer avec des pouvoirs surnaturels et accéder à la connaissance des raisons occultes des événements, des maladies aussi bien que de tout autre genre de difficulté"(5).

Un autre aspect à mettre en évidence, d'après Eliade, est que le chaman est confondu avec le malade mental.

"Celui qui aborde le chamanisme en tant que psychologue serait induit à le considérer, face à toutes choses, comme la révélation d'une âme en crise ou percluse en régression; il ne pourrait pas s'en empêcher de l'associer à certaines conduites psychiques aberrantes ou de le situer parmi les maladies mentales à structure hystérique ou épileptique" (6).

La différence marquante, entre l'un et l'autre, est que le chaman a ses crises épileptiques" à sa guise, il domine cet état et ces techniques. D'autre part, Eliade affirme que l'expérience psychopathique des chamans a un contenu théorique. "... ils se guérissent eux-mêmes et savent guérir les autres, et, entre autres choses, parce qu'ils connaissent le mécanisme, et qui plus est, la théorie de la maladie "(7).

Dans ce sens, nous pouvons écarter le versant qui considère les chamans comme des fous ou des épileptiques.

Si nous observons un "pai de santo", nous verrons qu'il n'est pas fou. Dans la communauté à laquelle il appartient, il n'est pas considéré comme fou, les reversions du normal, la rupture avec la réalité ordinaire est une chose acceptée et attendue par le groupe, il a une fonction spécifique au sein de la communauté.

D'autre part, en raison de ses activités para normales, il jouit d'un prestige magicoreligieux et est reconnu à cause de cela. De cette manière, le chamanisme conserve un fond de croyances et des techniques primitives telles que la magie, la croyance en des êtres suprêmes, en des esprits surnaturels, à la mythologie et il a recours aux techniques de l'extase.

Eliade indique comme des caractéristiques chamaniques significatives, la maîtrise du feu et l'envol chamanique, pendant lequel le chaman quitte son corps, descend aux enfers, monte aux cieux, parle avec des dieux et semi-dieux, des démons, des esprits de la nature, et se communique avec les âmes des morts"(8).

Nous observons également qu'ils ont la capacité de contrôler la réalité journalière, l'accès différentiel à d'autres niveaux et champs de la réalité, aussi bien que l'aptitude d'induire des personnes à des états singuliers de conscience à des fins curatifs et transformateurs(9).

Parmi les techniques de l'extase, nous allons observer l'utilisation des psychoactifs tel que le tabac, l'ayauasca, les champignons et une série d'autres substances. Des danses, des chants et l'utilisation du tambour agissent dans le but d'arriver à produire le détachement afin d'atteindre l'envol chamanique.

De cette façon, ils pénètrent dans des aires du sacré inaccessibles aux autres membres de la communauté et deviennent des êtres très singuliers. Ils vivent une expérience religieuse assez intense, qui influe sur la stratification religieuse, la mythologie des rites et l'idéologie des peuples arctique, sibérien et asiatique.

L'idéologie, la mythologie et les rites sont la plupart des fois, à cause de cela, une création du chaman. Ce n'est pas lui qui crée l'idéologie et les mythes mais il travaille beaucoup à l'élaboration de ces mêmes rites et mythes. Tous ces éléments sont antérieurs au chamanisme, dans la mesure où ils sont le produit de l'expérience religieuse générale(10).

Il établit également des rapports particuliers avec des êtres et des messagers subordonnés au "Grand Père". Le Dieu, qui habite le ciel supérieur, dispose de messagers ou encore d'enfants, qui transitent ici dans le ciel inférieur. Le chaman fait la médiation, dialogue avec ces êtres, il apporte des informations et réalise les guérisons, il est le seigneur des infirmités, de la folie et des maladies nerveuses"(11).

Baldus (1964) affirme que le chaman a le don de clairvoyance et de divination, il contrôle l'expérience du rêve et entreprend des excursions vers des régions terrestres et célestes afin d'y trouver la chasse et des faits intéressants à rapporter à la vie de la communauté ou éventuellement ramener les esprits des enfants qui vont naître (12).

Nous observons qu'une personne peut devenir chaman par la transmission de dons chamaniques de père en fils. Il peut s'agir aussi d'une élection divine, comme dans le cas de la chaleur psychique. Une des preuves d'élection du futur chaman sibérien est sa capacité de résister aux basses températures et de sécher ses vêtements mouillés avec la température de son corps. La maîtrise de ce feu intérieur est un élément en faveur de son élection. Les dieux peuvent choisir, également, le futur chaman en le blessant avec l'éclair, ce qui démontre l'origine céleste des pouvoirs chamaniques. La personne ne meurt pas, elle survit et cela est un signe de son élection chamanique. L'éclair figure maintes fois sur les costumes des chamans (13).

Certaines infirmités, rêves et extases initiatiques, plus au moins pathologiques, permettent l'accès à la condition de chaman. Il peut s'agir de tortures initiatiques, une mort symbolique, être écartelé et d'autres choses du genre. Chez les Sibériens, il existe "Une cérémonie initiatique qui consiste à la mise en morceaux du corps du néophyte, le renouvellement de ses organes et la mort rituelle, suivie de résurrection et de plénitude mystique"(14).

La rencontre avec un être divin ou semi-divin qui lui survient en rêve, révèle qu'il a été choisi et désormais, il doit établir un nouvel ordre de vie. Ceci apparaît aussi comme l'élection du futur chaman. Dans la plupart des mythes autour de l'origine des chamans, il y a l'intervention directe de l'être suprême ou de son représentant, l'aigle, l'oiseau solaire. Il couve les oeufs des futurs chamans placés sur les branches de l'arbre cosmique, l'arbre du monde qui contient l'aigle en son houppier et le serpent en sa racine.

Les Toungouzes disent que les âmes des enfants reposent comme des oiseaux sur les branches de l'arbre cosmique, et c'est là que les chamans vont les chercher (15).

Un autre fait typique de l'expérience chamanique c'est le changement des états de conscience, pendant l'état de transe, le chaman a la sensation de voyager: celui-ci est un spécialiste de la transe au cours de laquelle son âme croit abandonner le corps pour entreprendre l'ascension aux cieux ou la descente aux enfers (16), ou encore par rapport aux chamans esquimaux:

"Leurs capacités extatiques leur permettent d'entreprendre n'importe quel voyage en esprit, vers n'importe quelle région cosmique. Ils prennent toujours la précaution de se faire attacher par des cordes de façon à ne voyager qu'en esprit, autrement, ils seraient ravis dans les airs et disparaîtraient véritablement " (17).

Pour Eliade, l'envol magique est la caractéristique qui définit le mieux le chamanisme. D'autre part, il existe aussi ce que l'on appelle la possession extatique où l'ego est remplacé par un être surnaturel (18). Schroder (1955), affirme : "tant les voyages aux mondes surnaturels que la possession ne sont, idéologiquement, que les deux côtés d'un même phénomène, le chamanisme considéré comme l'art de l'extase, est, essentiellement, un art de transformation... " (19).

Un autre aspect du phénomène dont nous parlons, est la guérison chamanique. Outre le fait de repérer la chasse, le chaman alerte la communauté sur les dangers qu'elle peut y encourir, il a la fonction de combattre les infirmités et de lutter contre les esprits démoniaques.

Il serait intéressant d'observer comment se produit la guérison chamanique, quelle est la conception chamanique de la maladie et de la thérapie. Pour le chaman, l'infirmité est un symptôme de déséquilibre social ou écologique et les objectifs de la guérison chamanique sont différents des ceux de la médecine scientifique.

Outre le fait de soulager les symptômes, les chamans essayent de restaurer le bienêtre spirituel et social du malade. La guérison chamanique a des implications dans la vision du monde et dans l'identité éthique du groupe (20). Dans ce sens, les "thérapies" chamaniques obéissent généralement à un point de vue psychosomatique en appliquant des techniques psychologiques à des maladies physiques (21).

En comparant la médecine des guérisseurs populaires à la médecine traditionnelle, nous allons observer que la médecine scientifique, que nous avons l'habitude d'utiliser, s'appuie sur un modèle bio médical (22), elle a une vision mécaniste de la vie, elle sépare le mental du corps en développant des spécialisations de plus en plus grandissantes à partir desquelles elle soigne les symptômes sans faire attention ni aux causes ni au malade en soi. Nous allons vérifier que la médecine traditionnelle affirme toujours que les causes sont dues à une bactérie ou à une perturbation physiologique quelconque. La vision mécaniste outre le fait de séparer le mental du corps, sépare le malade de son environnement et du milieu social.

Alors que dans la médecine chamanique, ces facteurs sont reliés à l'étiologie de la maladie, elle indiquera des facteurs mystiques, des attaques des esprits, rupture de tabou, états émotionnels forts tels que colère, envie, jalousie, manque de respect à l'ordre moral ou à un quelconque manque d'harmonie vis-à-vis de l'ordre cosmique. Le chaman cherche fondamentalement la réintégration totale du malade, et les causes de sa maladie ne sont pas dissociées ni de l'environnement écologique ni du milieu social (23).

Les rituels chamaniques de guérison ont la fonction de lever des conflits et des résistances inconscients à un niveau conscient où ils peuvent avoir libre cours et trouver la solution. Ce revécu ramène, de l'inconscient au niveau conscient, les traumas et les expériences conflictuelles. il fait un pont entre les rituels chamaniques de guérison et les pratiques psychothérapeutiques modernes.

" Des siècles durant, les chamans ont utilisé des techniques thérapeutiques telles que les thérapies de groupe, les psychodrames, l'analyse de rêves, la suggestion, l'hypnose, les visualisations, les psychothérapies ayant recours à des psychédéliques Mais il y a une différence entre ces deux manières de procéder. Tandis que les psychothérapeutes modernes aident leurs patients à construire un mythe individuel d'après des éléments extraits du passé, les chamans nous fournissent un mythe social qui ne se borne pas aux expériences personnelles du passé ( ... ) Le chaman travaille avec l'inconscient collectif et social, partagé par toute la communauté (24).

Dans ce sens nous sommes à même d'affirmer que le chaman est le psychothérapeute des sociétés primitives. La psychiatrie considère que l'abréaction est un moment décisif de cure et Levi Strauss (1975) considère le chaman comme un "abréacteur" professionnel.

Le chaman ne se contente pas de reproduire ou de mimer certains événements, il les revit effectivement en toute leur vivacité, originalité et violence. Et, étant donné qu'en fin de séance, il retrouve son état normal, nous pouvons dire, en empruntant à la psychanalyse, qu'il a abréagi. Nous savons que la psychanalyse appréhende l'abréaction comme le moment décisif de la cure, moment où le malade revit momentanément la situation initiale qui est à l'origine de sa perturbation, avant de la dépasser définitivement. Dans ce sens le chaman est un abréacteur professionnel... (25).

Il réactualise l'édifice de la culture et de la mythologie, et à partir de cela, le malade peut guérir. Le psychothérapeute s'assoie et entend la personne exposer ses conflits. Le chaman, au contraire, parle tout le temps, il parle des mythes et des héros de sa culture, il aide le patient à travers l'inconscient collectif et social et il le partage avec la communauté.

Nous observons, tant en Asie Centrale qu'en Asie septentrionale, qu'une des causes fréquentes de maladies est due au rapt de l'âme, et le chaman a pour fonction de re-capturer l'âme égarée.

"On attribue alors l'infirmité à l'égarement ou à l'envol de l'âme et le traitement se résume, en somme, à aller la chercher, la capturer et à la réintégrer au corps infirme(...) Parfois, l'infirmité a une double cause, l'envol de l'âme est aggravé par la possession de mauvais esprits et la cure chamanique exige tant la quête de l'âme que l'expulsion de démons "(26).

Dans la tradition asiatique sibérienne, les chamans apparaissent maintes fois comme de guerriers, ils utilisent des armures, arcs, lances et épées pour combattre les énergies négatives. Éventuellement, ils descendent jusqu'aux enfers et ont besoin d'être parés afin de lutter contre les démons. Dans leur quête de l'âme, ils démontrent des connaissances de la topographie infernale et de leur capacité de clairvoyance extatique (27).

D'autres cas font allusion à l'extraction d'un quelconque objet pathologique. Le chaman en se servant de la technique de succion, suce le corps du patient visant à l'extraction de l'objet qu'il présente comme étant le responsable de la maladie, et la personne guérit.

La littérature anthropologique nous renseigne sur leur technique qui consiste à ce que le chaman cache dans sa bouche l'objet pathogène, pour que, le moment venu, il le présente au malade comme la solution de tous ses maux. Le succès obtenu provient de l'efficacité symbolique du rite qui dérive de la foi que la communauté dépose en sa propre culture et au rôle du chaman en tant que guérisseur (28).

Pour que l'envol magique ait lieu, il faut que quelque chose arrive au niveau de la structure du temps. Leach (1974), dans son article sur la représentation symbolique du temps, attire notre attention sur les malaises causés par l'irréversibilité du temps :

" Whitehead affirme que "le temps est la simple durée d'époques: il coule et il coule (Whitehead 1927, pag.158), malgré cela, nous devons reconnaître que, cette irréversibilité du temps, est fort désagréable du point de vue psychologique. A vrai dire, les dogmes religieux sont partout dans le monde liés à la négation de la "vérité "finale de cette expérience de sens commun" (29).

Mais comment rompre ce temps linéaire? Ce temps qui coule et coule sans cesse. Dans ce sens, la notion même de temps doit changer, et les rituels ont pour but de briser le temps linéaire. Pourquoi les mantras des bouddhistes sont-ils répétés des heures d'affilées ? Quelle est la fonction de cette répétition ? Nous avons observé que cela brise la structure linéaire du temps en nous conduisant vers une autre conception du temps, vers un temps que se renouvelle.

Lévi-Strauss (1962) attire notre attention sur le fait que ni toutes les sociétés vivent dans le temps et dans une temporalité qui s'écoulent inexorablement, ni toutes les sociétés utilisent et élaborent une même notion de temps. Dans les sociétés tribales, la notion de temps prédominante est celle qui conçoit la temporalité comme quelque chose de cyclique, différemment de systèmes comme le nôtre où la vision du temps prévaut en tant qu'historicité (30).

"En réalité, il paraîtrait que, en certaines sociétés primitives, le processus du temps n'est senti aucunement comme une "succession de durée d'époque", il n'existe aucun sens à suivre toujours et à tout jamais dans la même direction ou de tourner, tourner dans une même roue. Au contraire, le temps est expérimenté comme quelque chose de discontinu, une répétition d'inversions répétées, une séquence d'oscillations entre des opposés polaires: jour et nuit, hiver et été, sécheresse et crue, vieillesse et jeunesse, vie et mort. Dans un tel schéma, le passé n'a pas de " profondeur tout le passé est également passé, et tout simplement l'opposé de maintenant" (31).

La répétition de la cosmologie des archétypes a la fonction de projeter le temps mythique, le moment primordial au-dedans du monde humain présent. L'intention est d'arriver à ce moment originaire de la répétition constante de la mythologie, de l'histoire et elle a la fonction de rompre cette barrière du temps.

"... l'expérience chamanique équivaut à une restauration du temps mythique primordial et le chaman apparaît comme un être privilégié qui s'empare, à son compte, personnellement de la condition heureuse de l'humanité à l'aube des temps" (32).

Pour conclure, nous affirmons que le chaman, en tant que spécialiste du surnaturel, a la capacité de transiter entre l'ici (terre) et là (ciel). Quand vous allez d'ici vers là, l'effet se présente comme un voyage. Quand la communication s'établit de là vers ici, ce fait est appréhendé comme possession.

Tambiah (1979) nous rappelle que l'immense emphase donnée à la qualité créative du chaman vient de Paul Radin, que le considère comme l'intellectuel des sociétés primitives dont la fonction est celle d'organiser et de synthétiser le complexe cognitif de la culture visant à entretenir son exégèse.

"Si nous considérons la religion comme l'association d'émotions religieuses à certains éléments folkloriques, il est donc essentiel de comprendre exactement comment l'émotion religieuse peut être étendue à de nouveaux éléments folkloriques. C'est justement dans ce contexte que le rôle du chaman se joue. C'est lui qui les amplifie" (33).

En outre, il est intéressant de noter que le chamanisme est lié à la notion de transcendance.

"Le rapport de transcendance résulte de l'excès ontologique par lequel le sujet se superpose au monde et à l'histoire; il s'avance au-delà de l'être dans le monde et de lêtre avec autrui en quête d'un fondement ultime pour le je primordial qui le constitue... " (34).

Comme nous l'observons plus haut, le chaman se présente comme un être qui ne respecte ni les limites du temps ni celles de l'espace, il agit de façon créative dans l'élaboration de la culture et de la mythologie. Dans ce sens, il ne serait pas exagéré de dire que le chaman présente un excès ontologique, il se montre incapable de clore, dans des formes finies de l'objectivité et de l'intersubjectivité, le dynamisme de l'auto-expression qui habite le je suis (35).

Pour finir, nous soulignons l'affirmation de Mircea Eliade selon laquelle l'expérience extatique n'est pas un produit d'une culture ou d'une civilisation spécifique mais constitutive de la condition humaine (36). De la même façon, nous réaffirmons que tout le monde a un peu du médecin, du chaman et du fou. Le corps médical se spécialise de plus en plus et ainsi, peu à peu, perd la notion de ce que le mental, le corps, l'environnement, la société et la culture sont un tout intégré. Le coté fou est là bien présent et devient de plus en plus prospère, soit en guerres, distorsions sociales, agressions à l'environnement etc. Le coté chamanique qui est, justement, le coté qui va opérer la transcendance et chercher la réintégration du mental et du corps, dans une vision holistique, rachète à la médecine son sens le plus élevé car le chaman ne se contente pas uniquement de guérir les symptômes de la maladie, il veut éradiquer leur cause, mais il est pratiquement oublié, il est endormi Cependant, qui, parmi nous, ne voyage pas, qui parmi nous ne transcende pas, ne cherche pas l'extase, ne se transforme pas intérieurement ? Le chaman travaille exactement ici, sur cette sphère de signifiés.

"Les miracles chamaniques non seulement confirment et fortifient les structures de la religion traditionnelle, mais stimulent et nourrissent l'imagination, ils font disparaître les barrières entre le rêve et la réalité immédiate, ils ouvrent les fenêtres des mondes habités par des dieux, des morts et des esprits" (37).

NOTES :

  1. Galvao - Eduardo: Santos e Visagens; p. 66 (Saints et Visages)

  2. Idem. P. 136.

  3. MIRCEA Eliade. 0 xamanismo e as técnicas arcaicas do êxtase. P. 22 (Le Chamanisme et les Techniques de l'extase)

  4. Hebert Baldus (a), 0 xamanismo. Sugestoes para pesquisas etnograficas, p. 186 (Le Chamanisme Des suggestions Ethnographiques)

  5. Michael Harner. Alucinogenos e Xamanismo. P.24. (Hallucinogènes et Chamanisme)

  6. Eliade, op.cit. P. 9

  7. Idem, p.43.

  8. Idem, p.24 et 25

  9. Stanislav Grof. Além do cérebro. p. 217 (Au delà du Cerveau)

  10. Eliade, op. cit. p.24 et 25. Id.26

  11. Id. p.26

  12. Herbert Baldus (b) 0 xamanismo na aculturaçao de uma tribu tupi do Brasil central. p.321-322. (Chamanisme et déculturation d'une tribu tupi du Brésil Central)

  13. Eliade, op. cit.p.34, 106,365 e 366.

  14. Id. p. 49.

  15. Id. p. 49

  16. Id. p.23

  17. Id. p.235.

  18. Herbert Baldus (a), op, p. 189.

  19. Id. cit. (a), p.189-190.

  20. Jean E. Langdon. " Percepçao e utilizaçao da medicina ocidental pelos indios Sirdundoy et Siona no sul da Colômbia, p.207. (Perception et utilisation de la médecine occidentale par les indiens Sirdundoy et Siona dans le Sud de la Colombie).

  21. Fritjof Capra. 0 ponto de Mutaçao, op. 302. (Le point de mutation)

  22. Id. p. 116.

  23. Id. . 300 e 301. Voir aussi Langdon, op. cit. p. 211

  24. Id. p. 302.

  25. Claude Levy Strauss. Antropologia Estrutural, p. 209. (Arithropologie Structurelle)

  26. Eliade, op. cit. p.180.

  27. Id. p. 250.

  28. Id. 242, 245 et 265. Voir aussi Strauss, op. cit. p.203.

  29. Edmundo Leach. Repensando a antropologia. p. 193. (En repensant l'Anthropologie)

  30. Levi-Strauss. 0 pensamento selvagem. cap. 8 et 9. (La pensée sauvage)

  31. Leach. op. cit. 195.

  32. Eliade. op. cit. p.129.

  33. J. S. Tambiha. A perfomativa approuch to ritual. p. 228.

  34. Henrique C.L. Vaz. Antropologia filosofica IlP. 93 et 94. (Anthropologie Philosophique).

  35. Id. op. cit. 96

  36. Eliade, op. cit. p. 384.

  37. Id. op. cit. p. 389.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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ELIADE, Mircea. Le chamanismo y las tecnicas arcaicas del extasis. (Le chamanisme et les techniques archaïques de l'extase). Mexique, Fondo de Cultura Economica, 1960.

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GROF, Stanislav. Além do cérebro (Au delà du cerveau). Sao Paulo, Mc Graw-Hill, 1987.

Edmund LEACH Ronald. Repensando a antropologia ( En repensant l'anthropologie). Sao Paulo, Perspectiva, 1974.

LEWIS, loan. Extase Religioso. ( l'Extase Religieux). Sao Paulo, Perspectiva, coleçao debates n° 119, 1971.

LEVI-STRAUSS, Claude. A Eficacia Simbolica (L'efficacité Symbolique). 0 feiticeiro e sua magia ( Le sorcier et sa magie) in Antropologia Estruturai Rio de JANEIRO, Tempo Brasileiro, 1975. 0 pensabento selvagem ( La pensée sauvage). Sao Paulo, Nacional. 1976.

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VAZ, Henrique Claudio de Lima. Antropologia Filosofica (Anthropologie Philosophique Il. Sao Paulo oyola, 1992.

Traduction : J TELLES DE VASCONCELLOS


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