2
février 2007 : interview de Claude Bauchet,
Président de l'association Liberté du Santo
Daime,
réalisée par
le
journaliste Arnaud Aubron
.

Patron
de PME, Claude Bauchet est le représentant en France du
Santo Daime, culte christiano-chamanique originaire du
Brésil, où il compte plusieurs milliers de
fidèles et est reconnu comme une religion. En France,
l’ayahuasca, plante psychotrope utilisée comme
sacrement par les daimistes, a été interdite en
2005. Entretien.
Quels
sont vos rapports avec
les autorités françaises ?
Nous avons subi les pires
persécutions (trois personnes en prison durant plus de vingt
jours). Après une instruction qui a duré trois
ans, un premier procès a eu lieu, sous les hospices de la
chasse aux sectes. Nous avons été
condamnés à huit mois de prison avec sursis, pour
«trafic international et utilisation de
stupéfiants», alors que l’ayahuasca
n’était pas sur la liste des
stupéfiants !
Nous avons fait appel et
gagné. La justice reconnaissait enfin que
l’ayahuasca n’était pas interdite! Notre
répit aura été de courte
durée car trois mois après, le
ministère de la Santé procédait au
classement des principales composantes de l’ayahuasca ! Une
décision politique qui n’a rien à voir
avec la santé publique! Le Santo Daime est une religion
chrétienne, qui utilise l’ayahuasca comme
sacrement. Interdire l’ayahuasca, c’est interdire
une religion, puisque notre sacrement est inséparable de
notre rituel. Nous sommes donc devant un cas de violation de la
liberté de conscience ! De violation des droits de
l’homme !
Vous
avez
déposé un recours au Conseil d'Etat ...
Il s’agit
d’un abus de pouvoir et d’une profonde injustice
mais nous utilisons des moyens pacifiques pour contrer les calomnies
qui sont propagées au nom de la santé publique !
Nous faisons à nouveau appel pour que, avec les
autorités, nous puissions harmoniser notre pratique
religieuse avec les impératifs de santé publique
!
Nous sommes partisans d’une réglementation afin
d’éviter les utilisations inadéquates
de l’ayahuasca et de la voir pervertie, comme de nombreuses
autres plantes sacrées !
Pour être entendu,
faut-il organiser une manifestation dans les rues de Paris de tous les
amis européens des plantes sacrées qui sont
médusés par l’attitude
rétrograde des autorités Françaises ?
Des membres du collectif
Meyaya, organisateur de stages iboga, ont été mis
en examen la semaine dernière. Comment expliquez-vous ce
soudain intérêt des autorités ?
Nous remarquons que ce
«soudain intérêt» intervient
à un moment crucial de notre recours ! Je mets donc en garde
contre les amalgames, que ne manqueront pas de faire les
prohibitionnistes pour affirmer la dangerosité des plantes
enthéogènes et réclamer leur
prohibition ! Ce n’est ni l’iboga, ni
l’ayahuasca qui sont dangereux, mais les apprentis sorciers
qui les utilisent sans aucun respect des règles de la
tradition qui enseigne leurs usages. Prohiber ces plantes
sacrées c’est porter atteinte aux droits de
l'homme et les jeter dans l’enfer du trafic, donc les
diaboliser.
La
mission
interministérielle contre les sectes pointe les risques de
dérives du «néo-chamanisme»
en France …
Les membres de la Miviludes
n’ont jamais tenté de rentrer en contact avec moi.
Ils fondent leurs jugements sur des cas discutables qui
frôlent le ridicule. Il n’a jamais
été constaté de cas mortel
dû à l’ayahuasca utilisée
dans un cadre rituel ! Si on veut vraiment savoir ce qu’est
l’ayahuasca, il faut venir la boire ! Ils pourraient au moins
tenter de parler avec nous. L’ayahuasca est un breuvage
sacré, la comparer à une drogue est
d’une imbécillité sans nom ! Nous
sommes
des gens sérieux, bien intégrés dans
la société et nous voulons la liberté
de pratiquer notre culte. Nous ne faisons aucun
prosélytisme, mais celui qui frappe à la porte
est le bienvenu!
Que
représente le
Santo Daime hors du Brésil ?
Il existe
désormais à travers le monde un grand mouvement
de légalisation des plantes sacrées
utilisées à des fins religieuses.
Récemment, la Cour suprême des Etats-Unis a
légalisé l’utilisation de
l’ayahuasca à des fins religieuses. En Europe, le
Santo Daime est désormais bien implanté. Sa
pratique a déjà été
légalisée en Hollande et en Espagne. Dans les
autres pays européens, les autorités ont
été informées par les groupes
eux-mêmes de leur existence et ils continuent de se
développer de façon harmonieuse.
En France, il est
présent depuis à peu près vingt ans et
environ 500 personnes ont, au moins, fait
l’expérience de son rituel sur le territoire
français, sans compter les personnes qui l'utilisent de
façon différente.
Aujourd’hui, la
peur domine, mais il reste tout de même une
poignée de fidèles obligés de
s’exiler pour pratiquer leur religion. En ce qui me concerne,
je maintiens de façon virtuelle le Centro livre do Ceu de
Paris, actuellement fermé en raison de la situation mais
appelé à accueillir à nouveau les
personnes intéressées par le Santo Daime,
après la reconnaissance de notre sacrement par les
autorités.
Et si
votre recours
était rejeté ?
Le Santo Daime est ma voie
spirituelle et je vais continuer sur ce chemin, même si je
dois m’exiler ! En cas de réponse
négative du Conseil d’Etat, il restera la cour de
Justice européenne… Nous allons aussi commencer
un travail de relations publiques auprès des
élus. C’est quelque chose que je peux continuer
à faire... même en exil !